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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/574

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avons cru devoir commencer par ce qui concerne les vingtièmes et 2 sous pour livre du dixième, et nous avons reconnu que, quoique l’on se soit appliqué depuis longtemps à cette connaissance exacte de la valeur des biens-fonds, si essentielle pour faire une juste répartition de cette imposition, on est encore bien éloigné d’y être parvenu. Frappé des inconvénients qui en pourraient résulter, ainsi que des motifs qui pourraient engager les contribuables à se soustraire à ces recherches, mais toujours occupé du soulagement de nos peuples, nous avons cru devoir nous contenter du produit réel desdits vingtièmes et 2 sous pour livre du dixième pendant l’année 1763, et renoncer solennellement à l’espérance de le porter par la suite à une somme totale plus forte, quel que put être le résultat des opérations que nous ordonnerons pour ladite répartition.

    pôt qui pesait, en principe, sur tous les sujets du royaume, et dont la levée était beaucoup moins dispendieuse que celle des contributions indirectes. Mais toutes les classes privilégiées, auxquelles les parlements servaient d’organes, ne supportaient pas cet impôt avec moins d’impatience qu’elles n’avaient souffert le dixième sous Louis XIV, et elles ne tremblaient plus devant son successeur.

    Au lieu donc de trancher la question par la force, le gouvernement eut recours à la ruse. Abandonnant le dernier vingtième, qu’il n’osait retenir, il proposa d’abonner les provinces, pour le montant des deux autres, sur le pied des rôles de 1765, et de changer le mode de répartition. L’intention secrète de la mesure était de se livrer à une investigation nouvelle de la matière imposable, après quoi l’on aurait eu peu d’égard à la promesse de fixité, d’immutabilité dans les contingents. Le piège, par malheur, était trop grossier pour que les parlementaires s’y laissassent prendre. Tous les vices de la répartition étant à l’avantage des privilégiés, les Cours n’avaient aucun motif d’en désirer une autre, et elles repoussèrent le projet d’édit qu’avait, pour atteindre son but, préparé le contrôleur général Berlin. C’est ce même projet, que le ministre avait soumis à plusieurs intendants de provinces, qui se trouve annoté par Turgot.

    L’impôt des deux vingtièmes, prorogé par des lois successives, s’est perpétué néanmoins jusqu’à la révolution de 1789. Un troisième vingtième fut même rétabli en 1782, et ne cessa qu’avec l’année 1786. Voici quel était, à cette époque, le produit brut des trois vingtièmes, de la capitation et de la taille, c’est-à-dire de tout l’impôt direct du royaume.

      
    Les deux vingtièmes et 4 sous pour livre du premier
    55,000,000 liv.
      
    Troisième vingtième, mis en 1782
    21,500,000     
      
    Capitation
    41,500,000     
      
    Taille
    91,000,000     
    ––––––––––––––
    Total 209,000,000 liv.
      
    Frais de perception à déduire
    12,600,000     
    ––––––––––––––
    Revenu net du Trésor 196,400,000 liv.
    ––––––––––––––
    (E. D.)