Aller au contenu

Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/636

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tives, et chercher les moyens de faire un ouvrage plus solide et, s’il est possible, moins dispendieux ; car je ne vois rien de plus affligeant, dans cette nécessité de remanier les anciennes estimations, que la perte de sommes qui ont été dépensées pour cet objet par les propriétaires, et il est bien à désirer qu’on puisse corriger l’ancienne opération sans obliger personne à faire une seconde fois les mêmes frais.

Il m’a été assuré que les anciennes estimations ont été faites dans chaque paroisse par un seul expert, dont l’opinion a été l’unique règle de l’appréciation de chaque héritage ; et je ne suis point étonné qu’une opération aussi arbitraire ait donné lieu à beaucoup de plaintes, et même à des plaintes fondées. Il est bien difficile qu’un seul homme, étranger dans une paroisse, et qui ne peut y séjourner que peu de temps, puisse connaître assez parfaitement la valeur de tous les fonds pour en faire une appréciation exacte ; et, quand une parfaite exactitude aurait été possible, il aurait suffi que cette estimation fût l’ouvrage d’un seul homme, pour que chacun se crût en droit de se prétendre surchargé et ses voisins soulagés à son préjudice.

Je suis persuadé que des estimations faites par des experts choisis dans chaque paroisse, et exposées pendant quelque temps à la contradiction des propriétaires intéressés dont on aurait recueilli et pesé les allégations, auraient obtenu plus de confiance, et j’imagine que, s’il est possible de prendre une voie à peu près semblable pour vérifier les erreurs dont on se plaint, le succès pourra être plus heureux. Mais, pour inspirer au public une confiance encore plus entière, je ne sais s’il ne vaudrait pas mieux, dans l’estimation qu’on fera des héritages, se contenter d’une appréciation purement idéale, et qui n’exprimerait que le rapport d’un héritage à l’autre, sans prétendre estimer la valeur absolue des fonds en livres, sous et deniers. — Pour rendre ceci plus clair, je suppose que la valeur totale de tous les fonds d’une paroisse soit exprimée par un, et que cette unité soit divisée en millièmes, en dix-millièmes, etc. ; la paroisse vaudra ou mille millièmes ou dix mille dix-millièmes : si un héritage vaut quarante dix-millièmes, un héritage double en valeur vaudra quatre-vingts dix-millièmes, et le travail des experts aura toujours pour objet la comparaison des héritages entre eux, et non leur valeur absolue en livres, sous et deniers.