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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/642

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mencé un très-grand travail sans avoir pu encore rien achever. Je vous avoue que, malgré la peine qu’il doit me donner, je l’abandonnerais à regret. Quoique préparé par une assez longue habitude du travail en différents genres, il m’a fallu donner beaucoup de temps et d’application à m’instruire à fond de cette matière qui m’était toute neuve. Il faudrait que mon successeur se livrât à la même étude, et laissât en attendant les choses dans un état de suspension forcée, toujours dangereuse, ou, ce qui ne l’est pas moins, en décidât pendant quelque temps beaucoup au hasard.

Si donc, comme j’ai lieu de l’espérer d’après l’approbation que vous avez bien voulu donner à ce que j’ai déjà fait, vous êtes dans l’intention d’établir en Limousin le système de la taille tarifée sur des principes plus solides que par le passé, je sacrifierai avec grand plaisir les avantages et les agréments que je trouverais dans l’intendance de Lyon, et je vous prierai de vouloir bien me laisser à Limoges à la suite du travail que vous m’avez permis d’entreprendre.

Je ne vous dissimulerai cependant point que, si vous n’étiez pas dans la résolution de faire suivre ce travail, alors j’aurais beaucoup de regret d’avoir négligé l’occasion du changement de place de M. de La Michodière pour vous demander celle qu’il laisse vacante ; car vous sentez qu’il serait infiniment désagréable pour moi de m’être livré à un travail ingrat, et d’avoir sacrifié tous mes avantages personnels, pour entamer une opération qui n’aurait aucun succès et dont le projet annoncé au public ne servirait qu’à me faire passer pour un visionnaire. Cependant, il se rencontre dans l’exécution une difficulté attachée à toute opération de ce genre et qui ne peut être surmontée que par vous, c’est la dépense. Les fonds de la province n’ont été arpentés qu’en partie, et dans les parties mêmes qui l’ont été, il y en a plusieurs où l’opération n’a été faite que d’une manière si précipitée et si fautive qu’elle deviendra totalement inutile, et cette mauvaise opération a été payée par les propriétaires sur le pied de 3 sous par journal. Je ne doute pas que cette nécessité imposée de payer les arpenteurs et les estimateurs n’ait eu une grande part aux oppositions qu’elle a essuyées. Il ne serait pas praticable de leur faire payer une seconde fois la même dépense ; cela exciterait un mécontentement général et propre à rendre impossible je succès de la nouvelle opération. Par elle-même, elle doit toujours