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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/722

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que 450,000 adultes consommant chacun deux livres de pain par jour, l’un portant l’autre. Il s’agit de pain de seigle composé de farine et de son_, qui par conséquent nourrit moins que le pain de froment ; si nous entrions dans le détail de ceux qui vivent de froment, nous trouverions une somme plus forte, et nous voulons tout compter au plus bas.

Le setier de seigle, mesure de Paris, fait 300 livres de pareil pain ; 450,000 personnes en consomment 900,000 livres par jour, et par conséquent 3,000 setiers de seigle, mesure de Paris ; c’est par mois 90,000 setiers, et pour les trois mois 270,000 setiers.

Le setier de seigle acheté au dehors n’a pu parvenir, dans la plus grande partie de la généralité, à moins de 27, 30 ou 33 liv. le setier. Mais, comme tous les lieux ne sont pas également éloignés des abords, et comme il faut soustraire la partie du prix des transports payée dans l’intérieur de la province, ne comptons le setier qu’à 24 liv. l’un portant l’autre. Les 270,000 setiers sont donc revenus à 6,480,000 liv., et il aurait fallu cette somme pour remplir un vide de trois mois dans la subsistance de la généralité. C’est tout au plus si les réserves des années précédentes ont pu fournir un mois ou le tiers du vide ; il faut donc compter 4,320,000 liv. de dépense. Et en supposant, pour tabler toujours au rabais, que les magasins aient pu fournir encore le tiers d’un mois, l’argent sorti effectivement de la province se réduira à 3,600,000 liv. C’est le plus faible résultat du calcul.

Les contribuables ne peuvent cependant payer les impositions qu’avec de l’argent ; et où peuvent-ils en trouver aujourd’hui ? Aussi les recouvrements sont-ils infiniment arriérés. Les receveurs des tailles sont réduits à l’impossibilité de tenir leurs pactes avec les receveurs généraux. Les collecteurs sont dans une impossibilité bien plus grande encore de satisfaire les receveurs des tailles.

Dans ces circonstances cruelles, le roi a bien voulu accorder des secours extraordinaires à la province. Ils ont été publiés et reçus avec la plus vive reconnaissance. Mais nous blesserions les sentiments paternels de Sa Majesté, nous tromperions sa bienfaisance, si nous lui cachions que ces secours, très-considérables quand on les compare aux circonstances où se trouve l’État, ne sont qu’un faible soulagement lorsqu’on les compare à l’immensité des besoins de la province. Nous ne parlons pas des fonds destinés aux approvision-