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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/727

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cruelle disette dont la province vient d’être affligée a consommé beaucoup au delà de ce qui pouvait rester des récoltes précédentes en tout genre de subsistances, et qu’une partie des habitants seraient exactement morts de faim sans le secours des grains importés soit des autres provinces, soit de l’étranger. La détresse où se sont trouvées la plus grande partie des familles les a obligées de vendre à vil prix, pour se procurer de l’argent, non-seulement tout ce qui pouvait rester des denrées de toute espèce recueillies les années précédentes, mais même la plus grande partie de leurs effets. Je ne vois qu’une denrée dont il puisse rester quelque chose, mais en petite quantité, et seulement dans les élections de Brive et d’Angoulême : c’est le vin. La dernière récolte en a été très-modique ; mais, ce vin ne se débitant que pour la consommation du Limousin et des cantons de l’Auvergne qui l’avoisinent, le débit en a été réduit presque à rien, les consommateurs étant obligés de réserver toutes leurs ressources pour avoir du grain.

II. Comparaison de la récolte en grains de cette année à l’année commune. — On aurait fort désiré pouvoir remplir entièrement les vues proposées dans la lettre de M. le contrôleur-général, du 31 mai dernier. Mais, quelques soins qu’aient pu prendre les personnes chargées de cette opération, il n’a pas été possible de parvenir à une précision satisfaisante.

Le premier élément de cette comparaison est entièrement ignoré, je veux dire l’année commune de la production. Tous les états qu’on est dans l’usage d’envoyer chaque année au Conseil, et celui-ci même qu’on a été obligé de dresser d’après les états des subdélégués, ne peuvent donner que des idées vagues, puisqu’on s’exprime toujours par demi-année, tiers et quart d’année, et qu’on ne s’est jamais occupé de se faire une idée fixe de ce qu’on entend par année commune. Le penchant naturel qu’ont les hommes à se plaindre vivement du mal, et à regarder le bien-être comme un état naturel qui n’est point à remarquer, fait que le plus souvent les laboureurs, dans leur langage, appellent une pleine année celle où la terre produit tout ce qu’elle peut produire. C’est à cette abondance extraordinaire, et qu’on ne voit que rarement, qu’ils rapportent leur évaluation de moitié, de tiers ou de quart d’année, évaluation qu’ils ne font d’ailleurs que d’une manière très-vague, et plus souvent au-dessous qu’au-dessus. La véritable mesure à laquelle on doit