Aller au contenu

Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/733

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que les recouvrements pourront être difficiles, même dans cette partie de la province : 1o à cause de l’épuisement d’argent, dont il est sorti beaucoup l’année dernière pour acheter des grains au dehors ; 2o parce que les propriétaires ont été obligés de s’épuiser pour subvenir à la nourriture de leurs colons et des pauvres ; 3o enfin parce que les vignes, qui forment la principale partie de leur revenu, ne donneront que très-peu de vin, d’une qualité médiocre.

Quant au reste de la généralité, qui comprend le Limousin et la Basse-Marche, les craintes qu’on avait annoncées au commencement de l’été ne se sont que trop réalisées, et l’on sait à présent avec certitude que le cours de l’année 1771 sera encore plus désastreux que celui de 1770. La récolte en seigle n’est pas meilleure, dans les cantons les mieux traités, qu’elle ne l’a été en 1769 ; et, quoique celle des blés noirs et des châtaignes n’y soit pas entièrement nulle, elle est si médiocre qu’elle ne peut certainement entrer en compensation ou remplacement des réserves qu’on avait alors, et qui restaient des années antérieures. Ce n’est pas tout. Le canton de la généralité qui est ordinairement le plus abondant en grains se trouve dans le dénûment le plus absolu, au point qu’il n’y a pas eu de quoi semer dans la moitié des domaines. Ce malheureux canton n’a pas même la ressource la plus modique en châtaignes, et les blés noirs y ont plus mal réussi qu’ailleurs. Les habitants sont d’autant plus à plaindre, que les cantons voisins de l’Auvergne et de la généralité de Moulins sont hors d’état de les secourir, étant presque aussi maltraités. Le reste du Limousin est lui-même dans la disette, et paye les subsistances à un prix exorbitant. Ce prix sera encore augmenté par les frais de transport pour arriver à ce canton montagneux, enfoncé dans les terres, et où pendant l’hiver la neige met encore un obstacle invincible aux communications, déjà difficiles par elles-mêmes. Et comment pourront payer des grains à ce prix excessif de malheureux habitants privés pendant deux ans de récolte, à qui des propriétaires épuisés par la nécessité d’acheter des subsistances au plus haut prix pour nourrir eux et leurs familles, leurs domestiques, leurs colons, les pauvres de leurs paroisses, ne peuvent plus donner ni secours ni salaires ? De quelque côté qu’on tourne les yeux, on ne voit aucune ressource pour la subsistance de ces malheureux.

À l’égard des recouvrements, on conçoit encore moins comment