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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/753

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les arrérages échus ; on sait par expérience combien ces remises sont funestes aux recouvrements, par Ja fausse espérance qu’elles donnent aux contribuables de mauvaise volonté. Mais il ne peut y avoir qu’une foule d’avantages sans aucun inconvénient à mettre le peuple en état d’acquitter le passé en diminuant son fardeau pour l’avenir. Il n’y a point à craindre d’excéder la mesure dans les libéralités dont le roi usera à cet égard. Plus la diminution sera forte, plus il y aura d’arrérages acquittés, et la recette n’en sera guère moindre.

Après des motifs aussi forts, il devient presque superflu d’appuyer sur les soulagements effectifs qu’exigent les malheurs particuliers qu’ont éprouvés cette année les paroisses de la Montagne, où la gelée du 12 mai s’est le plus fait sentir, et celles de la basse Marche, qu’ont ravagées plus spécialement la grêle et l’ouragan du 27 juin dernier. Cependant, ces accidents sont dignes en eux-mêmes de toute l’attention du Conseil ; et l’on ne peut représenter assez fortement l’excès de la misère qui règnera dans ces paroisses, privées encore de récoltes après une disette de trois ans.

Nous ne pouvons former aucune demande précise. Comment mettre des bornes à nos demandes, lorsque les besoins n’en ont point ? Il suffit de les mettre sous les yeux du roi, et de réclamer ses bontés pour tant de malheureux qui n’ont pas d’autre espérance. 700,000 f. de surcharge ancienne, relativement à la proportion générale des impôts dans le royaume ; un retard ancien de 2,600,000 liv. sur le payement des impositions ; 2 autres millions 700,000 liv. d’arrérages nouveaux, accumulés en peu d’années ; 4 millions d’argent sortis de la province pour la subsistance des habitants, pendant une disette de trois ans ; tous les pauvres artisans, tous les cultivateurs, une grande partie des propriétaires épuisés de toutes leurs ressources, ayant vendu leurs meubles, leurs bestiaux, leurs bardes, ayant engagé leurs fonds pour subsister pendant cette cruelle disette ; de nouveaux accidents, à la suite de tant d’autres ; des paroisses entières privées de leur récolte par la gelée ou la grêle ; la perte d’une grande partie des fourrages ; des maladies et des mortalités sur les bestiaux ; la diminution de leur valeur, enlevant aux habitants du Limousin la dernière espérance qui pourrait leur rester ; voilà exactement la position de la province au moment où nous écrivons. Après un pareil tableau, il n’est pas nécessaire de dire