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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, I.djvu/79

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tions, consignées dans de nombreux documents officiels, concordaient mal avec la défense des idées religieuses, et que la philosophie, malgré tous ses écarts, semblait encore dans ses livres mieux imbue que le clergé du sentiment chrétien.

Si, pour obtenir un peu d’encens des philosophes ; si, par jalousie contre le clergé et les Parlements, qui avaient conservé quelques restes de vie politique dont la noblesse était privée, certains hommes appartenant à cette dernière se permettaient de fronder les abus, on tomberait dans une grande erreur en admettant que le corps fût soucieux de les voir disparaître, et qu’il eût pour l’égalité civile plus d’amour que le clergé. Les nobles prisaient d’autant plus, au contraire, les privilèges qu’ils tenaient de l’usage ou de la loi, que, pleins de mépris pour toute autre profession que celle des arpies, il n’y avait que les faveurs de la cour, les voies directes ou indirectes par lesquelles l’argent du Trésor passait entre leurs mains, qui pussent réparer les brèches que l’inconduite et le goût du luxe opéraient dans leurs revenus. Ils méprisaient profondément les gens de finances, mais ils ne dédaignaient pas de prendre part dans leurs profits, et encore moins d’épouser leurs héritières, lorsqu’eux-mêmes s’étaient ruinés[1].

Les membres des Parlements avaient des mœurs plus régulières que celles des grands seigneurs et des hauts dignitaires de l’Église. On n’aperçoit pas qu’ils eussent moins de dévouement à leurs intérêts personnels, et des vues plus larges en matière d’administration. Pédants et tracassiers, leur haine contre le despotisme ministériel venait uniquement de ce qu’ils ne l’exerçaient point. L’intolérance ne leur déplaisait que quand elle était moliniste, et l’avocat-général Séguier n’était pas moins habile à lancer des réquisitoires contre l’Encyclopédie, qu’à dresser des remontrances contre la suppression de la corvée et l’émancipation du travail[2]. Singuliers tribuns, bien ap-

  1. Ils appelaient : mettre du fumier sur leurs terres, leur résignation à ces sortes d’alliances.
  2. Voyez tome II, page 323, Procès-verbal du lit de justice tenu, le 12 mars 1776, pour l’enregistrement des édits portant abolition d« la corvée, des jurandes, etc.