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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/150

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mines. — Il résulte de cette analyse, que le Code des mines, à ne le fonder que sur les principes de l’équité naturelle, et sur les conséquences immédiates des droits de la propriété foncière, se réduit aux quatre articles suivants : 1o Chacun a droit d’ouvrir la terre dans son champ ; 2o personne n’a droit d’ouvrir la terre dans le champ d’autrui, sans son consentement ; 3o il est libre à toute personne de pousser des galeries sous le terrain d’autrui, pourvu qu’elle prenne toutes les précautions nécessaires pour garantir le propriétaire de tout dommage ; 4o celui qui, en usant de cette liberté, a creusé sous son terrain ou sous celui d’autrui, est devenu, à titre de premier occupant, propriétaire des ouvrages qu’il a faits sous terre et des matières qu’il en a extraites ; mais il n’a rien acquis de plus[1].

  1. La législation des mines ne saurait évidemment reposer, en théorie, que sur l’une de ces trois bases :

    Ou le droit de l’État ;

    Ou le droit du propriétaire de la surface ;

    Ou le droit du premier occupant, soutenu par Turgot.

    Mais, dans la pratique, l’on n’a suivi, toutefois, depuis 1789, aucun de ces trois systèmes. L’article 1er de la loi du 28 juillet 1791 est ainsi conçu :

    « Les mines et minières, tant métalliques que non métalliques, ainsi que les bitumes, charbons de terre ou de pierre et pyrites, sont à la disposition de la nation, en ce sens seulement que ces substances ne pourront être exploitées que de son consentement et sous sa surveillance, à la charge d’indemniser, d’après les règles qui seront prescrites, les propriétaires de la surface, qui jouiront en outre de celles de ces mines qui pourront être exploitées ou à tranchée ouverte, ou avec fosse et lumière, jusqu’à cent pieds de profondeur seulement. »

    Cette conception de l’Assemblée Constituante a fait dire avec beaucoup de fondement à M. Dunoyer : « Le droit attribué à la nation n’a été que le déplacement du droit anciennement attribué à la royauté : on faisait succéder la nation à la royauté, on l’a fait succéder à ses privilèges ; la révolution a tout voulu donner au peuple, comme l’ancien régime voulait tout donner au roi. En ceci, comme en toute autre matière, ç’a été la même extension abusive des principes de la souveraineté, dont on ne faisait en réalité que déplacer le siège (Journal des Économistes, tome III. page 134.).

    Ce système, en effet, ne rend qu’un hommage à peu près illusoire au droit du propriétaire de la surface, puisqu’il lui faut l’agrément de l’autorité pour fouiller son propre terrain, qu’il ne peut l’ouvrir que jusqu’à une certaine profondeur, et qu’en outre on peut se dispenser de son consentement pour l’ouvrir et s’y livrer à tous les travaux que nécessite la recherche des substances métalliques ou minérales. Le droit de ce propriétaire est presque aussi méconnu que par le passé, et la loi, au lieu de s’appuyer comme auparavant sur un seul principe, en admet ici deux, non-seulement distincts, mais contradictoires.

    On va voir que les choses n’ont pas beaucoup changé avec la législation de 1810. Toute l’économie de cette dernière repose sur les articles 5, 6, 7 et 10 de la loi du 21 avril, qui s’exprime ainsi :