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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/169

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souterraines. Suivant cette opinion, les principes de nos jurisconsultes domaniaux seraient encore plus directement injustes ; mais elle me paraît pécher par un excès contraire, et donner trop d’étendue aux droits du propriétaire de la superficie, comme le système domanial lui en donne trop peu. Je crois avoir bien prouvé ci-dessus que le droit de propriété de la surface n’entraîne point par lui-même le droit de s’opposer à toute entreprise faite sous le fonds ; et qu’à ne considérer que le droit naturel et les lois primitives qui ont établi le droit de propriété foncière, les matières souterraines sont restées au premier occupant ; en sorte que l’on est libre de fouiller sous le terrain d’autrui, pourvu qu’on le garantisse des éboulements, et que l’on n’ouvre que dans son propre terrain. La question ne peut donc être douteuse que relativement à l’utilité de la loi par laquelle la propriété des matières souterraines serait attachée inséparablement à la propriété de la surface ; car, puisque le droit naturel et les lois primitives ont laissé ces matières au rang des choses qui ne sont à personne, on doit convenir que la société civile a pu en disposer par une loi, d’après des considérations de convenance ou d’utilité. Cette loi, dans le fait, n’existe pas. Mais serait-elle utile ? C’est ce que je dois examiner.

§ XV. Inutilité et inconvénients d’une pareille loi. — Je demande à qui une pareille loi serait utile. Serait-ce à l’État ? et dira-t-on que, comme il est avantageux que chaque héritage ait un propriétaire intéressé à le cultiver, il serait de même avantageux que les richesses souterraines eussent un propriétaire certain qui eût intérêt à les mettre en valeur ? Je réponds que cette comparaison n’est nullement exacte.

Un champ produit chaque année des fruits, mais il ne produit qu’autant qu’il est cultivé. Il ne peut donc produire qu’autant qu’il appartient à un maître certain, qui ait intérêt à le cultiver tous les ans, et qui soit assuré d’en recueillir les fruits. Il n’en est pas de même d’une veine métallique ; elle ne produit aucuns fruits ; elle est elle-même le fruit à recueillir. C’est une chose mobilière, un trésor déposé par la nature dans le sein de la terre. Celui qui l’en tire en devient le maître, et ne laisse à la place qu’un espace vide qui n’est plus un objet de propriété. Il n’est donc pas besoin, pour qu’une mine soit mise en valeur, qu’elle appartienne à un propriétaire autre que celui-là même qui s’en emparera le premier. Il n’est