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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/172

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qu’avec perte. Il ne lèverait plus le dixième du produit des mines à titre de redevance domaniale ; mais il n’y perdrait encore rien, puisqu’il pourrait toujours percevoir le même droit à titre d’impôt, s’il le jugeait plus avantageux que nuisible.

§ XVIII. Du droit de dixième sur les mines. Est-il de l’intérêt des souverains de le conserver ? — J’ai déjà annoncé des doutes sur cette question ; c’est la seule qui me reste encore à discuter pour épuiser entièrement cette matière.

Je crois qu’on peut mettre en principe, que tout impôt qui nuit à l’augmentation de la richesse des sujets est plus nuisible qu’utile au prince, et doit être supprimé. Ce serait une grande erreur de prétendre balancer l’intérêt pécuniaire du prince avec l’intérêt qu’il a d’enrichir ses sujets. L’intérêt du prince est nul dans ces sortes de questions. Il ne s’agit pas de lui sonner plus ou moins d’argent (il a toujours, ou par son autorité, ou par les concessions de la nation, suivant la différente forme du gouvernement, tout celui qu’exigent les besoins de l’État) ; il s’agit uniquement de savoir dans quelle forme et sur quelle espèce de produits il lui est plus avantageux de lever l’argent dont il a besoin. Or, il est bien évident que son revenu ne pouvant être qu’une portion déterminée du revenu de ses sujets, toute diminution de celui-ci entraîne une diminution proportionnée du sien. Il est donc démontré que l’intérêt du prince est ici entièrement confondu avec celui des sujets, et que l’impôt le plus utile, le seul qui ne soit pas nuisible au souverain, est celui qui ne porte que sur un produit entièrement disponible, dont le prince peut prélever sa portion sans rien déranger à l’ordre des dépenses reproductives, sans intéresser les travaux de l’agriculture et de l’industrie, sans entamer les profits du cultivateur, du manufacturier et du commerçant. Le revenu net des biens-fonds, ou ce qui revient au propriétaire après que le cultivateur a prélevé ses frais, les intérêts de ses avances et ses profits, présente et présente seul ce produit entièrement disponible, sur lequel l’impôt peut être assis sans danger, c’est-à-dire sans diminuer les richesses de la nation et par contre-coup celles du souverain. Il a été prouvé dans plusieurs ouvrages modernes que tout impôt sur l’exploitation des terres, sur les travaux de l’industrie ou sur les profits du commerce, retombait toujours sur les propriétaires des terres, qui le payent indirectement par la diminution du prix des baux, par l’augmentation des salaires,