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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/181

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par l’usage légitime de ses propriétés, les moyens de subsistance préparés par la Providence à tous les hommes, ne peut être sans injustice ôté à personne.

Cette communication qui se fait par le transport et la garde des grains, et sans laquelle toutes les provinces souffriraient alternativement ou la disette ou la non-valeur, ne peut être établie que de deux manières, ou par l’entremise du commerce laissé à lui-même, ou par l’intervention du gouvernement.

La réflexion et l’expérience prouvent également que la voie du commerce libre est, pour fournir aux besoins du peuple, la plus sûre, la plus prompte, la moins dispendieuse et la moins sujette à inconvénients.

Les négociants, par la multitude des capitaux dont ils disposent, par l’étendue de leurs correspondances, par la promptitude et l’exactitude des avis qu’ils reçoivent, par l’économie qu’ils savent mettre dans leurs opérations, par l’usage et l’habitude de traiter les affaires de commerce, ont des moyens et des ressources qui manquent aux administrateurs les plus éclairés et les plus actifs. Leur vigilance, excitée par l’intérêt, prévient les déchets et les pertes ; leur concurrence rend impossible tout monopole, et le besoin continuel où ils sont de faire rentrer leurs fonds promptement pour entretenir leur commerce, les engage à se contenter de profits médiocres ; d’où il arrive que le prix des grains, dans les années de disette, ne reçoit guère que l’augmentation inévitable qui résulte des frais et risques du transport ou de la garde.

Ainsi, plus le commerce est libre, animé, étendu, plus le peuple est promptement, efficacement et abondamment pourvu ; les prix sont d’autant plus uniformes, ils s’éloignent d’autant moins du prix moyen et habituel sur lesquels les salaires se règlent nécessairement.

Les approvisionnements faits par les soins du gouvernement ne peuvent avoir les mêmes succès. Son attention, partagée entre trop d’objets, ne peut être aussi active que celle des négociants, occupés de leur seul commerce. Il connaît plus tard, il connaît moins exactement et les besoins et les ressources. Ses opérations, presque toujours précipitées, se font d’une manière plus dispendieuse. Les agents qu’il emploie, n’ayant aucun intérêt à l’économie, achètent plus chèrement, transportent à plus grands frais, conservent avec moins de précaution ; il se perd, il se gâte beaucoup de grains. Ces