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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/203

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avis salutaires sur les dangers et les malheurs du brigandage, et surtout les assurances de la bonté du roi, qui n’est occupé que du bonheur de ses sujets ; Sa Majesté a lieu d’espérer que les peuples seront garantis des voies odieuses qu’on emploie pour les tromper, et qu’ils sauront se préserver également du crime de la sédition et du malheur d’en être les victimes.

Pour que les curés soient plus à portée de faire valoir ces utiles réflexions, il est nécessaire qu’ils soient instruits des principes et des suites de la sédition, dont les habitants de leurs paroisses ont à se préserver et à se défendre.

Elle n’est point occasionnée par la rareté réelle des blés ; ils ont toujours été en quantité suffisante dans les marchés, et pareillement dans les provinces qui ont été les premières exposées au pillage.

Elle n’est pas non plus produite par l’excès de la misère : on a vu la denrée portée à des prix plus élevés, sans que le moindre murmure se soit fait entendre ; et les secours que Sa Majesté a fait répandre, les ateliers qu’elle a fait ouvrir dans les proviences, ceux qui sont entretenus dans la capitale, ont diminué la cherté pour les pauvres, en leur fournissant les moyens de gagner des salaires et d’atteindre le prix du pain.

Le brigandage a été excité par des hommes étrangers aux paroisses qu’ils venaient dévaster : tantôt ces hommes pervers, uniquement occupés d’émouvoir les esprits, ne voulaient pas, même pour leur compte, des blés dont ils occasionnaient le pillage ; tantôt ils les enlevaient à leur profit, sans doute pour les revendre un jour, et satisfaire ainsi leur avidité.

On les a vus quelquefois affecter de payer la denrée à vil prix, mais en acheter une quantité si considérable, que l’argent qu’ils y employaient prouvait qu’ils n’étaient poussés ni par la misère présente, ni par la crainte de l’éprouver.

Ce qu’il y a de plus déplorable, est que ces furieux ont porté la rage jusqu’à détruire ce qu’ils avaient pillé. Il y a eu des grains et des farines jetés dans la rivière.

La scélératesse a été poussée jusqu’à brûler des granges pleines de blés et des fermes entières. Il semble que le but de ce complot ait été de produire une véritable famine dans les provinces qui environnent Paris, et dans Paris même, pour porter les peuples, par le besoin et le désespoir, aux derniers excès.