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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/227

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la propriété de sa denrée, et surtout de l’attrait, essentiel au commerce, de pouvoir se porter où il espère un bénéfice ; cette police l’avertit même qu’il ne doit ni s’approcher de la ville, ni passer dans l’arrondissement des dix lieues, et cet espace devient un point de séparation insurmontable entre toutes les provinces qui pourraient profiter des avantages de la navigation, pour se prêter des secours mutuels ; de manière que la Bourgogne et la Champagne, surchargées de grains, ne pourraient secourir la Normandie affligée de la disette, par la seule raison que la Seine traverse Paris et son arrondissement : de même qu’à peine aucun secours ne pouvait être porté de Normandie à Paris et au delà, en remontant la Seine, avant que par notre édit du mois de juin 1775, portant suppression des offices de marchands privilégiés et porteurs de grains, et abolition du droit de banalité de la ville de Rouen, nous eussions levé les obstacles qui interceptaient dans cette ville le commerce des grains.

L’ordonnance de police de 1635, ci-dessus citée, et confirmée par un édit de 1672, défend aux marchands qui ont commencé la vente d’un bateau de blé d’en augmenter le prix ; et par une injustice évidente, le marchand soumis aux hasards qui ont diminué les prix au commencement de sa vente, ne peut profiter de ceux qui, avant la fin de cette vente, peuvent rendre le prix plus avantageux.

Les mêmes règlements enjoignent encore, à tout négociant qui fait transporter des grains à Paris, de les y vendre en personne ou par des gens de sa famille, et non par des facteurs ; on ignorait alors que le laboureur ne peut abandonner les travaux de sa culture, ou le négociant le soin de son commerce, pour suivre une partie de ses marchandises ; qu’ils ne peuvent l’un et l’autre se déplacer sans frais ; et que leurs dépenses, devant être remboursées par leur commerce, augmenteraient inutilement le prix des grains.

La défense faite aux voituriers, par l’arrêt de 1661, de vendre des grains dans les chemins, ou même de délier les sacs, à peine de confiscation, est sans objet à l’égard du commerce, qui ne s’arrête pas dans ses destinations pour se livrer à de semblables détails ; elle serait inhumaine pour ceux de nos sujets qui pourraient éprouver des besoins pressants ; elle est encore incommode et rebutante pour le négociant, qu’elle expose à être inquiété, et peut-être injustement puni, si quelque accident oblige de toucher aux sacs de grains qu’il fait conduire.