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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/239

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Arrêt du Conseil d’État, du 5 novembre 1775, qui permet aux boulangers forains des villes, villages et lieux circonvoisins, d’apporter et vendre librement leur pain dans la ville de Lyon, à la charge de se conformer aux ordonnances de police pour la qualité et le prix, etc.

Le roi étant informé que d’anciens règlements de police, conservés et exécutés jusqu’à ce jour dans sa ville de Lyon, s’opposent à la vente et à la distribution libres du pain, tendent à en augmenter le prix et à bannir l’abondance, a jugé que cet objet méritait toute son attention ; en conséquence, Sa Majesté s’est fait représenter les différentes ordonnances de police relatives à cette partie essentielle des subsistances. Elle a reconnu :

Que des règlements, des 2 septembre 1700 et 4 février 1701, avaient imposé aux boulangers forains la nécessité de ne vendre du pain que dans des places déterminées, à des jours marqués, à un prix inférieur à celui des boulangers de la ville, et de remporter au dehors celui qui n’aurait pu être vendu dans le jour.

Qu’un autre du 7 avril 1710 défend à tous habitants de la ville qui n’ont point de maîtrise de boulangers, de faire ou débiter du pain, et aux forains d’en vendre ailleurs qu’au lieu qui leur est prescrit ; qu’enfin un autre règlement du 12 mars 1751, donné sur la requête des maîtres boulangers, condamne en 300 livres d’amende des particuliers pour avoir apporté du pain dans la ville ; qu’il réitère de sévères défenses aux boulangers des villes et villages circonvoisins d’en introduire, à peine de confiscation et de 100 livres d’amende, et cependant qu’il réserve le privilège exclusif d’en apporter et d’en vendre aux deux seules paroisses de Montluel et de Saint-Pierre-de-Chandieu, mais seulement trois jours de la semaine, et sans pouvoir entreposer et garder dans la ville celui qui n’est pas vendu.

Ainsi l’intérêt le plus pressant du peuple a été sacrifié à celui de la communauté des maîtres boulangers, dans une ville où toutes maîtrises, communautés et jurandes étaient interdites par des lois précises du 3 juillet 1606, du 28 septembre 1641, du mois de mai 1661, et du mois de septembre 1717.

De tous les soins nécessaires au régime d’une grande ville et au bonheur de ses habitants, aucun n’est aussi essentiel que celui d’éloigner tous les obstacles qui peuvent gêner les subsistances géné-

    grands protecteurs des jurandes, fécondes sources de procès. (Note de Dupont de Nemours.)