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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/260

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indispensable d’augmenter un peu les droits des bestiaux et de la viande à l’entrée de Paris ; mais cette augmentation n’empêchera pas que le soulagement résultant de la suppression de la caisse de Poissy ne soit très-sensible, et j’espère que ce soulagement, concourant avec la liberté du commerce de la viande, amènera une diminution notable dans les prix, surtout dans celui des viandes de qualité inférieure, qui forment précisément l’objet de la consommation du peuple.

6o Changement de forme dans le droit sur le suif. — Il se levait sur le suif un droit assez considérable, dont la perception se faisait d’une manière très-onéreuse, et se trouvait liée avec un règlement très-extraordinaire de la communauté des maîtres chandeliers, qui achetaient en corps de communauté la totalité des suifs que fondaient les bouchers. La communauté des chandeliers formait ainsi une société unique de commerce, qui exerçait contre le public un véritable monopole. Il devient impossible de continuer la perception du droit dans cette forme. Rien n’est plus simple que d’y substituer un droit correspondant sur les bestiaux qui donnent le suif, et de faire payer ce droit avec les autres aux entrées de Paris. Il y avait ci-devant un droit sur les suifs étrangers, qui était de 7 livres 13 sous par quintal : je propose de le remplacer par un droit de 50 sous, et je compte que Votre Majesté y gagnera du revenu, parce que d’un côté l’excès du droit, et de l’autre la forme qu’on avait donnée à ce commerce, faisaient qu’il n’entrait pas mie livre de suif à Paris ; en sorte que le droit de 7 livres 13 sous n’existait que fictivement et sur le papier. Dans un temps où le suif avait manqué, la communauté des chandeliers fit venir du suif étranger à la réquisition du magistrat de police, mais ce fut à condition que le roi l’affranchirait de tous les droits. Il est aisé de sentir qu’aucun chandelier, ne pouvant acheter en particulier, ne faisait venir du suif étranger. La communauté entière, qui gagnait à tenir fort haut le prix d’une marchandise dont elle exerçait le monopole, n’avait aucun intérêt à augmenter l’abondance en tirant du suif de dehors. Ainsi il ne se consommait de suif à Paris que celui des animaux qu’on y tue dans les boucheries, ce qui enchérissait cette denrée nécessaire au peuple, qui trouvera par conséquent encore un soulagement dans ce changement de forme.

Voilà, Sire, tout ce que j’avais à dire à Votre Majesté sur les lois