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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/271

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bles ; ce n’est pas qu’il ne soit très-vrai aussi, comme le disait M. Trudaine, que le propriétaire paye toujours en dernière analyse toutes les impositions ; mais s’il les paye, c’est par un circuit étranger au point de vue qu’a touché M. le garde des sceaux, et que je viens de discuter. La marche de ce circuit exigerait, pour être bien développée, une longue chaîne de raisonnements auxquels ce n’est pas le lieu de me livrer.

Suite des observations du garde des sceaux. — Les gens qui n’ont que leurs bras ne contribuent presque point aux impositions.

Réponse de Turgot. — Il s’agit, et il ne doit s’agir que de la corvée. Or, certainement que ceux qui n’ont que leurs bras y contribuent dans la proportion la plus exorbitante. Un homme qui n’a pour vivre, lui et sa famille, que ce qu’il gagne par Son travail, et à qui on enlève quinze jours de son temps qu’on emploie à le faire travailler pour rien et sans le nourrir, contribue de beaucoup trop à la confection des chemins.

Suite des observations du garde des sceaux. — Le prix des denrées ne saurait augmenter sans que le salaire des ouvriers augmente ; et, si l’on met l’imposition sur les seuls propriétaires, elle ne sera supportée que par ceux dont l’aisance est la seule ressource qui puisse assurer la subsistance des gens de journée.

Réponse de Turgot. Il est sans doute très-vrai (quoiqu’on n’ait cessé de répéter le contraire lorsqu’on a voulu rendre la liberté du commerce des grains odieuse) que le prix des denrées ne saurait augmenter d’une manière constante sans que le salaire des journées augmente ; mais le propriétaire commence par être enrichi, et l’homme de journée n’a jamais que ce qui lui est nécessaire pour subsister. C’est l’aisance du propriétaire qui assure aux journaliers non pas l’aisance, mais le nécessaire ; or, c’est celui dont le travail des chemins augmente l’aisance qui en profite véritablement, et qui doit les payer.

Suite des observations du garde des sceaux. — Il y a grande apparence que ce sont ces considérations qui ont engagé M. Orry et M. Trudaine à préférer la corvée des bras et des chevaux à une imposition sur les propriétaires. — Et en effet, peut-être, en les pesant avec attention, diminueraient-elles l’apparence de l’injustice de ces corvées, si elles ne la faisaient pas disparaître entièrement.

Réponse de Turgot. — J’ai déjà dit la raison qui paraît avoir en-