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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/277

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sées ne fût employée que dans les généralités où elle était levée, parce que les dépenses immenses des ponts qu’il a fait construire sur les grandes rivières du royaume rendaient nécessaire d’appliquer les fonds par préférence à ces grands ouvrages.

Réponse de Turgot. — Il n’en est pas de même de l’imposition pour les chemins. Pour la détourner, il faut suspendre le payement des ouvrages faits, envoyer des ordres dans toutes les provinces à des trésoriers qui sont liés par une loi. Et cela fait une fois, il faut encore, l’année suivante, arrêter l’imposition de nouveau par un état du roi. Il faut déposer cet état du roi au greffe du parlement, de la chambre des comptes, de tous les bureaux des finances. Or, croit-on que ce dépôt n’excitera pas les plus vives réclamations, lorsque l’année précédente on aurait violé la destination solennellement promise de cette imposition ? Croit-on que des remontrances aussi justes ne fussent pas plus redoutées du ministre, que celles que l’on opposerait à l’enregistrement d’une nouvelle imposition ? Remontrances pour remontrances, lesquelles doit-il préférer d’essuyer ? Sans doute celles auxquelles il peut opposer la réponse péremptoire des besoins inévitables occasionnés par la guerre, et non pas celles où on l’accuserait personnellement de mauvaise foi, sans qu’il eût rien à répondre de raisonnable. Il n’est plus nécessaire de supposer ce ministre honnête homme, il suffit de le supposer homme de bon sens, pour croire qu’il aimera mieux diminuer l’impôt sur les chemins et imposer les mêmes sommes sous un autre nom, que de détourner cet impôt de sa destination.

Suite des observations du garde des sceaux. — Au surplus, l’inconvénient relatif à l’emploi des fonds de l’imposition pour les ponts et chaussées subsistera toujours malgré la nouvelle imposition, qui n’aura rien de commun avec elle.

Réponse de Turgot. — Cet inconvénient subsistera pour les anciens fonds des ponts et chaussées, mais sera fort diminué, parce que, comme on n’osait pas ordonner de corvées à bras dans la généralité de Paris, on faisait faire tous les chemins de cette généralité aux dépens des autres provinces. Mais, la généralité de Paris devant participer à l’imposition du remplacement des corvées, on pourra tirer moins de fonds des provinces. Cet inconvénient n’aura lieu d’aucune manière pour le remplacement de la corvée, et la forme même de cette imposition assure que celle de chaque généralité