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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/327

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vendeurs de bestiaux, auxquels il fut attribué un sou pour livre de la valeur de ceux qui se consommeraient à Paris, à la charge de payer en deniers comptants, aux marchands forains, les bestiaux qu’ils y amèneraient : ce qu’on présentait comme propre à encourager le commerce et à procurer l’abondance, en prévenant les retards auxquels les marchands de bestiaux étaient exposés, lorsqu’ils traitaient directement avec les bouchers.

Cette première tentative donna lieu à beaucoup de réclamations de la part des marchands forains et des bouchers, qui représentèrent que la création des jurés-vendeurs de bestiaux était fort onéreuse à leur commerce, loin de le favoriser ; qu’il n’était besoin d’aucun intermédiaire entre les fournisseurs de bestiaux et ceux qui les débitent au public ; que Paris avait été approvisionné jusqu’alors, sans que personne eût eu la commission d’avancer aux marchands de bestiaux leur payement ; et que l’impôt d’un sou pour livre devait nécessairement renchérir la viande et diminuer la fourniture. On eut égard à ces représentations ; et, par une déclaration du 1 1 mars de la même année, le roi Louis XIV, voulant, dit-il, favorablement traiter lesdits marchands forains et les bouchers de ladite ville de Paris, et procurer l’abondance des bestiaux en icelle, supprima les soixante offices de jurés-vendeurs.

Cependant au bout de dix-sept ans, en 1707, dans le cours d’une guerre malheureuse, après avoir épuisé des ressources de toute espèce, on eut recours aux motifs qu’avait présentés l’édit de 1690 : on allégua que quelques particuliers exerçaient sur les bouchers des usures énormes, et l’on créa cent offices de conseillers-trésoriers de la bourse des marchés de Sceaux et de Poissy, à l’effet d’avoir un bureau ouvert tous les jours de marché, pour avancer aux marchands forains le prix des bestiaux par eux vendus aux bouchers et aux autres marchands solvables ; et ces officiers furent autorisés à percevoir le sou pour livre de la valeur de tous les bestiaux vendus, même de ceux dont ils n’auraient pas avancé le prix. Cet établissement, qui rappelle les temps de calamité où il eut lieu, fut de nouveau supprimé à la paix.

Le commerce des bestiaux, affranchi du droit et des entraves accessoires, reprit son cours naturel, et le suivit trente ans sans interruption : pendant cette époque, l’approvisionnement de Paris fut