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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/361

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En 1294, un statut municipal ordonna que le vin qui serait apporté en fraude serait répandu, les raisins foulés aux pieds, les bâtiments ou charrettes brûlés, et les contrevenants condamnés en différentes amendes.

Un règlement du 4 septembre 1610 ajouta, à la rigueur des peines prononcées par les règlements précédents, celle du fouet contre les voituriers qui amèneraient du vin étranger dans la ville de Marseille.

C’est ainsi que, par un renversement de toutes les notions de morale et d’équité, un vil intérêt sollicite et obtient, contre des infractions qui ne blessent que lui, ces peines flétrissantes que la justice n’inflige même au crime qu’à regret, et forcée par le motif de la sûreté publique.

Divers arrêts du Conseil et du parlement de Provence, des lettres-patentes émanées des rois nos prédécesseurs, ont successivement autorisé ces règlements. Un édit du mois de mars 1717, portant règlement pour l’administration de la ville de Marseille, confirme l’établissement d’un bureau particulier, chargé, sous le nom de Bureau du vin, de veiller à l’exécution de ces prohibitions.

L’article XCV de cet édit fait même défense à tous capitaines de navires qui seront dans le port de Marseille d’acheter, pour la provision de leur équipage, d’autre vin que celui du territoire de cette ville. « Et pour prévenir », est-il dit, « les contraventions au présent article, les échevins ne signeront aucune patente de santé pour lesdits bâtiments de mer, qui seront nolisés dans ladite ville et qui en partiront, qu’il ne leur soit apparu des billets de visite des deux intendants du bureau du vin, et de leur certificat portant que le vin qu’ils auront trouvé dans lesdits bâtiments de mer, pour la provision de leur équipage, a été acheté dans la ville de Marseille. »

Comme si l’attestation d’un fait devait dépendre d’une circonstance absolument étrangère à la vérité de ce fait ! Comme si le témoignage de la vérité n’était pas dû à quiconque le réclame ! Comme si l’intérêt qu’ont les propriétaires des vignes de Marseille à vendre leur vin un peu plus cher, pouvait entrer en quelque considération, lorsqu’il s’agit d’un intérêt aussi important pour l’État et pour l’humanité entière, que la sécurité contre le danger de la contagion !

Le corps de ville de Marseille a étendu l’effet de cette disposition de l’édit de 1717, jusqu’à prétendre interdire aux équipages des