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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/464

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Ainsi, chaque famille sera assurée d’une ressource prête à la soulager. Un double avantage lui est présenté : l’un d’obtenir la matière, quelle que soit son indigence, et sans être tenue de rien débourser ; l’autre d’être assurée du plus prompt débit, et de n’être pas obligée de chercher et d’attendre les salaires qui doivent l’aider à subsister. Ces salaires, distribués à tous les consommateurs, même aux enfants dont la famille est composée, seront proportionnés aux besoins ; la classe même de ces indigents que la honte couvre d’un voile et cache à la société qui les soulage, pourra vaquer à un travail exécuté dans l’intérieur des maisons et à l’ombre du secret domestique, et participer à ce secours ; et les indigents à qui leur tempérament ou leurs infirmités ne permettent ni de se livrer à aucune occupation, ni d’espérer aucun salaire, trouveront dans ce travail public l’avantage que les aumônes ordinaires, concentrées dans un cercle plus étroit et plus resserré, pourvoiront mieux à leurs besoins.

C’est du zèle et de l’application de MM. les curés que dépend principalement le succès d’une ressource si précieuse. L’influence qu’ils ont sur l’esprit des peuples, la confiance qu’ils sont faits pour inspirer, doivent principalement déterminer les indigents à se livrer à un travail auquel plusieurs d’entre eux ne sont pas accoutumés. La menace de leur retirer les aumônes, la précaution de les leur diminuer quand le travail sera ralenti, l’annonce qu’elles ne continueront que jusqu’à un délai fixé pour donner à leur famille le temps de s’habituer aux ouvrages qui lui auront été indiqués, sont des moyens dont ils peuvent se servir avec avantage, et qui paraissent capables de vaincre la répugnance et la paresse.


Instruction pour l’établissement et la régie des ateliers de charité
dans les campagnes. (2 mai 1775.)

(1) Le roi ayant bien voulu arrêter qu’il serait chaque année accordé aux différentes provinces des fonds pour soulager les habitants des villes et des campagnes les moins aisés, en leur offrant du travail, Sa Majesté a pensé que le moyen le plus sûr de remplir ces vues était d’établir des ateliers de charité dans les cantons qui auront le plus souffert par la médiocrité des récoltes, et de les employer, soit à ouvrir des routes nouvelles, soit à perfectionner les routes déjà commencées, soit à réparer les chemins de traverse.

(2) Le premier soin que doivent avoir MM. les intendants pour l’emploi des fonds destinés aux travaux de charité, est donc de se procurer les renseignements les plus précis sur la situation des récoltes dans les différents cantons de leur généralité : cette connaissance les mettra en état de répartir avec