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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/470

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délivrées au dernier, ne reçoive un prix plus considérable et proportionné à son travail.

(24) Le conducteur pourra, lorsque la composition des brigades se portera à cet arrangement, charger une brigade du déblai et du remblai. Le travail se distribuera naturellement entre les hommes qui feraient l’ouvrage du déblai, et les femmes et les enfants qui chargeraient et transporteraient la terre que les hommes auraient fouillée. Dans d’autres circonstances, on pourra charger du transport seul une brigade composée d’ouvriers faibles, tandis qu’une brigade composée principalement d’ouvriers forts serait occupée au déblai. Dans tous ces cas, on s’épargnera l’embarras du toisé, en évaluant les tâches, tant du déblai que du remblai, par le nombre de voyages de brouettes, de civières, de hottes, etc., auxquels cette tâche aura fourni. Cette méthode est simple, à la portée d’un plus grand nombre d’hommes, et n’est pas sujette à plus d’erreurs que celle des toisés réguliers. Elle a d’ailleurs un avantage, en ce que les voituriers, payés en raison du nombre des voyages qu’ils font, sont très-intéressés à presser les travailleurs qui doivent leur fournir de la terre, et seront pour ceux-ci une espèce de piqueurs sur lesquels on pourra compter.

(25) Le seul abus qu’on puisse craindre de cette méthode serait que, pour multiplier les voyages et diminuer le travail, les terrassiers et les voituriers s’accordassent à faire les charges trop légères ; mais les piqueurs ou commis, placés au remblai pour recevoir les brouettes et distribuer les marques, remédieront aisément à cet abus, en refusant de donner de ces marques pour les charges qui seraient sensiblement trop légères.

(26) Les ingénieurs pourront surveiller et instruire les commis des ateliers qui seront à leur portée. Lorsqu’ils croiront que le commis, qu’ils auront suivi quelque temps, sera suffisamment instruit, ils pourront le faire passer sur un atelier éloigné, d’où ils tireront le commis que le premier remplacera, pour l’instruire à son tour, en le faisant travailler sous leurs yeux, et ainsi de suite. Ils pourront dresser des tables par colonnes, pour fixer l’ouvrage d’un homme dans les différentes espèces de terres, et à proportion l’ouvrage des femmes et des enfants, afin d’évaluer la quantité de voyages que peuvent faire dans un jour les manœuvres à raison de leur âge, de leur force, de la distance et de l’espèce de voiture. Cependant, comme l’usage de ces tables exigera encore de l’intelligence et de l’attention, il sera bon que le commis se mette au fait, en opérant quelque temps sous les yeux de l’ingénieur. Or, tout cela exige du temps ; ainsi les tâches pourront encore être fixées un peu arbitrairement, mais il y a lieu d’espérer que cet inconvénient diminuera d’année en année, et finira par être absolument insensible, pourvu que l’on veuille y apporter de l’attention.

IV. De la manière de payer les ouvriers. (27) Il n’est guère possible de donner sans confusion des tâches pour chaque jour, et il faut nécessairement les donner pour une semaine. Il y aurait cependant un grand inconvénient à laisser écouler la première semaine entière sans rien payer aux travailleurs : une grande partie de ceux qui se présentent aux ateliers de charité sont des pauvres dénués de toute autre ressource pour vivre, et qui n’ont pas de quoi subsister ; avant la fin de la semaine il est donc indispensable de donner au père de famille, ou au chef de la tâche, à mesure que l’ouvrage avance, des à-comptes pour la subsistance journalière des travailleurs.

(28) À moins que la tâche donnée à une brigade n’ait été évaluée trop fai-