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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/511

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un crime, c’est en commettre un ; celui qui commande d’assassiner est regardé par tout le monde comme un assassin. Or, le prince qui ordonne à son sujet de professer la religion que celui-ci ne croit pas, ou de renoncer à celle qu’il croit, commande un crime : le sujet qui obéit fait un mensonge ; il trahit sa conscience, il fait une chose qu’il croit que Dieu lui défend.

Le protestant qui, par intérêt ou par crainte, se fait catholique, et le catholique qui, par les mêmes motifs, se fait protestant, sont tous deux coupables du même crime. Car ce n’est pas la vérité ou la fausseté d’une assertion qui constituent le mensonge et le parjure ; celui qui affirme avec serment une chose vraie qu’il croit fausse, est tout aussi menteur, tout aussi parjure, que si la chose était effectivement fausse. Le mensonge ou le parjure consistent dans la contradiction entre l’assertion et la persuasion de celui qui affirme ou qui fait serment[1].

  1. Le reste de ce Mémoire est malheureusement perdu. Il n’a point été retrouvé dans ce qui est resté des papiers de M. Turgot. — Ce que l’on vient de transcrire l’est sur un essai raturé, qu’il paraît que M. Turgot a remis au net de sa main.

    Le juste empressement qu’il avait d’offrir au roi les mémoires qu’il faisait pour ce prince seul, et qui ne pouvaient pas être d’une main étrangère ; la crainte de perdre le moment où ils pouvaient être le plus utiles, l’empêchaient le plus souvent d’en faire garder minute par ses amis les plus intimes, et de les recopier lui-même. La justesse de son esprit, l’étendue de ses lumières, la perfection habituelle de son style, laissaient peu de matière aux corrections ; et, son écriture étant fort nette, c’était ordinairement son premier jet, l’original de son travail qu’il portait au roi.

    Nous sommes privés ainsi de la partie la plus intéressante de son ministère, de celle qui était la plus confidentielle, et qui aurait été la plus instructive. (Note de Dupont de Nemours.)

    — Turgot avait proposé à Louis XVI, qui ne les adopta pas, les formules de serment ci-après :

    Promesse du roi aux évêques. — Toutes les Églises de mon royaume doivent compter sur ma protection et sur ma justice.

    Serment du sacre. — Je promets à Dieu et à mes peuples de gouverner mon royaume par la justice et par les lois ; de ne jamais faire la guerre que pour une cause juste et indispensable ; d’employer toute mon autorité à maintenir les droits de chacun de mes sujets ; de les défendre contre toute oppression, et de travailler toute ma vie à les rendre aussi heureux qu’il dépendra de moi.

    Serment du grand-maître de l’ordre du Saint-Esprit. — Je promets de maintenir l’ordre du Saint-Esprit dans l’éclat que lui ont conservé mes prédécesseurs. Il est de mon intérêt que l’admission dans cet ordre continue d’être un objet d’émulation pour ma noblesse ; cette admission est une récompense de ses services d’autant plus flatteuse, que l’honneur en fait tout le prix, et qu’elle attache ceux qui en sont décorés d’une manière plus spéciale à ma personne par une sorte