Aller au contenu

Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/518

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leurs ministres, je crois donc ne pouvoir rien vous proposer de plus avantageux pour votre peuple, de plus propre à maintenir la paix et le bon ordre, à donner de l’activité à tous les travaux utiles, à faire chérir votre autorité, et à vous attacher chaque jour de plus en plus le cœur de vos sujets, que de leur faire donner à tous une instruction qui leur manifeste bien les obligations qu’ils ont à la société et à votre pouvoir qui la protège, les devoirs que ces obligations leur imposent, l’intérêt qu’ils ont à remplir ces devoirs pour le bien public et pour le leur propre. — Cette instruction morale et sociale exige des livres faits exprès, au concours, avec beaucoup de soin, et un maître d’école dans chaque paroisse, qui les enseigne aux enfants avec l’art d’écrire, de lire, de compter, de toiser, et les principes de la mécanique. L’instruction plus savante, et qui embrasserait progressivement les connaissances nécessaires aux citoyens dont l’État exige des lumières plus étendues, serait donnée dans les collèges ; mais toujours d’après les mêmes principes, plus développés selon les fonctions que le rang des élèves les met à portée de remplir dans la société.

Si Votre Majesté agrée ce plan, sire, je mettrai sous ses yeux les détails qui pourraient y être relatifs dans un Mémoire spécial. Mais j’ose lui répondre que dans dix ans sa nation ne serait pas reconnaissable ; et que, par les lumières, par les bonnes mœurs, par le zèle éclairé pour son service et pour celui de la patrie, elle serait infiniment au-dessus de tous les autres peuples. Les enfants qui ont actuellement dix ans se trouveraient alors des hommes de vingt, préparés pour l’État, affectionnés à la patrie ; soumis, non par crainte, mais par raison, à l’autorité ; secourables envers leurs concitoyens, accoutumés à reconnaître et à respecter la justice, qui est le premier fondement des sociétés. De tels hommes rempliront tous les devoirs que la nature leur impose envers leurs familles, et formeront sans doute des familles qui se comporteront bien dans le village auquel elles tiendront ; mais il n’est pas nécessaire d’attendre les fruits de cette bonne éducation pour intéresser les familles existantes à la chose publique et au service de Votre Majesté ; et rien n’empêche de les employer telles qu’elles sont à la composition de villages réguliers, qui soient autre chose qu’un assemblage de maisons, de cabanes et d’habitants, non moins passifs qu’elles. Ce peut même être un bon moyen de rendre l’éducation encore plus profitable, et d’exciter l’é-