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Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/528

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moins qu’il n’en devrait avoir, assurerait autant qu’il soit possible la juste distribution des voix. La répartition de l’impôt, faite d’après cette distribution, relativement aux fortunes, ne donnerait donc aucun embarras, et opérerait envers le peuple l’effet d’un véritable soulagement. Car les erreurs inévitables dans la répartition actuelle rendent le fardeau de l’impôt beaucoup plus lourd pour ceux qui en sont surchargés, et qui sont ordinairement les plus pauvres, ceux qui ont le moins de moyens de réclamer, et qui sont le moins à portée de se faire entendre.

Quand l’établissement des municipalités villageoises ne vous donnerait, sire, que cet avantage d’avoir établi la répartition la plus équitable de l’impôt, ce serait assez pour rendre le règne de Votre Majesté honorable, pour lui mériter les bénédictions de votre peuple, et l’estime de la postérité.

Mais il y aurait beaucoup d’autres avantages à cette opération. Un des premiers est celui d’assurer en chaque lieu la confection des travaux publics qui pourraient y être spécialement nécessaires.

Dans l’état actuel, les rues et les abords de la plupart des villages sont impraticables. Les laboureurs sont obligés de multiplier inutilement et dispendieusement les animaux de trait pour voiturer leurs engrais et leurs récoltes, conduire leurs denrées au marché, et faire tous les charrois qu’exige leur exploitation. Ces animaux, le temps perdu, les harnois brisés, leur coûtent bien plus que ne ferait la réparation des mauvais pas. Et, quelle que soit la pauvreté des campagnes, c’est moins l’argent qui manque pour les chemins vicinaux, puisque leur défaut occasionne plus de dépense que ne pourrait faire leur réparation, ou même leur construction, c’est moins l’argent qui manque que l’esprit public, et la forme pour rassembler, notifier et rendre actif le vœu des habitants. Une assemblée municipale s’occuperait de ces points qui, répétés en chaque lieu, peuvent donner plusieurs millions de profit sur les frais de la culture et sur ceux du commerce : profit qui, restant dans les mains de la classe laborieuse de vos sujets, se multipliera de lui-même par le cours naturel des choses ; car à la campagne, où un luxe vain et frivole n’égare pas les esprits, tout profit se tourne de suite en améliorations. L’amour-propre ne s’y porte qu’à faire des plantations, avoir plus de bestiaux, et les avoir plus beaux, à couvrir en tuile ce qui