Aller au contenu

Page:Turgot - Œuvres de Turgot, éd. Eugène Daire, II.djvu/791

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Motte, né avec un esprit juste, facile et délicat, mais sans chaleur et sans force, la nature lui avait refusé le génie qui fait les poètes ; et une preuve que l’obscurité de ses vers et l’entortillement de leurs constructions viennent de son peu de talent pour la versification plutôt que d’une envie de briller mal conduite, c’est que ces défauts ne se trouvent jamais dans sa prose, qui est extrêmement claire, fort simple et fort supérieure à ses vers.

Si l’on pouvait faire à quelqu’un de nos auteurs le reproche que l’on fait à Démétrius de Phalère, ce serait peut-être à M. Fléchier, dont (les Oraisons funèbres exceptées) la plupart des ouvrages sont mieux écrits que pensés.

M. de La Motte et M. de Fontenelle ne sont assurément pas dans le cas d’un pareil reproche. L’un et l’autre ont toujours cherché la raison, et il serait bien plus juste de blâmer La Motte d’avoir trop raisonné et trop peu senti, que de dire que l’envie de briller lui a fait négliger les choses pour s’attacher aux mots.

À l’égard de M. de Fontenelle, je ne sais pourquoi on s’opiniâtre à le comparer à Sénèque, quoiqu’ils aient l’un et l’autre beaucoup d’esprit. Jamais peut-être deux esprits n’ont été plus différents que chez ces deux hommes : l’un est toujours monté sur des échasses ; il se guinde aux grandes choses, si j’ose ainsi parler ; on pourrait plutôt reprocher à M. de Fontenelle de les rabaisser quelquefois à son niveau.

L’un, en traitant des sujets de morale intéressants, a trouvé le moyen d’être toujours didactique et souvent ennuyeux ; l’autre a su répandre les fleurs de son imagination sur les sujets les plus arides, et plaire toujours, même quand il ne semble chercher qu’à instruire. Ôtez-lui quelques endroits où il semble s’abandonner trop au ton de la conversation, on ne pourra s’empêcher de se livrer au plaisir de goûter la finesse et les grâces de son style, et on le regardera toujours comme un des hommes qui ont fait le plus d’honneur à son siècle.

fin des œuvres diverses.