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Page:Une Vie bien remplie (A. Corsin,1913).djvu/18

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UNE VIE BIEN REMPLIE

centimes. Le bourgeois ne voulut rien entendre, disant que cela était l’affaire du garde-champêtre, et qu’il fallait un exemple.

Enfin, le cas fut porté devant le juge de paix, qui fit une condamnation à 10 francs d’amende.

Les pauvres gens n’ayant pas un sou à la maison et se voyant poursuivis, perdus s’ils ne payaient pas de suite, vendirent leur chèvre avec l’intention d’en racheter une au premier jour ; malheureusement, l’homme tomba malade et resta longtemps alité. Ils n’avaient rien chez eux, le boulanger seul leur faisait crédit de huit livres de pain par semaine.

J’étais aux Simons quand on m’a parlé de cela ; une femme du hameau voulait vendre une jeune chèvre, j’achetai la bête et la fit mener chez la mère Grumet avec du fourrage pour l’hiver ; jamais, mon ami, tu ne peux te figurer la joie de ces gens ; j’étais gêné de me voir remercier d’une façon aussi touchante ; comme l’homme m’avait fait plusieurs commissions au village, je dis que j’avais payé mes dettes, voilà tout ; enfin, cette brave femme qui croit au Bon Dieu ne remerciera pas saint Pierre plus chaleureusement qu’elle m’a remerciée, si un jour il lui ouvre les portes du Paradis.

II


Maintenant, nous arrivons vers notre petite rivière, si charmante par ce beau temps ; tu aperçois d’ici, à travers les taillis de vergnes une toiture en tuiles rouges ; c’est là que je vais t’offrir le déjeuner de l’amitié. Je pense que nous n’aurons pas besoin d’apéritif ; pour moi, le plaisir de t’avoir là m’a creusé l’estomac à ce point qu’il me semble que je vais dévorer comme un sauvage. Mon cher ami, je te montrerai que moi non plus, je n’ai pas besoin de vermouth ou d’absinthe pour faire honneur à ton déjeuner.

En arrivant à la maison, nous fûmes reçus par les propriétaires qui nous souhaitèrent une cordiale bienvenue. C’était une sorte de ferme bien tenue, rien n’était à l’aban-