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Page:Une Vie bien remplie (A. Corsin,1913).djvu/27

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UNE VIE BIEN REMPLIE

route pour les Simons. Notre friture (sauf le brochet) fut vite nettoyée, seulement nous constations avec surprise qu’il n’y avait plus que quatre goujons ; la chose s’expliqua le lendemain : notre brochet avait avalé un goujon. Ce séjour au bord de l’eau et les émotions de la pêche nous avaient creusé l’estomac ; aussi on fit honneur au déjeuner.


V


Le repas terminé, on décida de faire notre promenade dans la forêt, d’une contenance d’environ trente hectares, mais remarquable par ses belles futaies et ses beaux arbres centenaires. L’entrée de la grande allée qui la traverse du levant au couchant, longue d’un kilomètre environ, était à un quart d’heure de notre pavillon ; on y arrivait par un chemin chartier, passant sur la propriété de Mage ; de chaque côté du chemin, de nombreux arbres fruitiers, poiriers et pommiers chargés de fruits. Un seul pommier, que l’on nomme « saulette gris » et dont les maîtresses branches étaient rattachées au tronc au moyen d’une chaîne de fer et les branches du tour soutenues par des étais, devait produire cette année environ six feuillettes de cidre, soit huit cents litres. Cette sorte de pomme produit le meilleur cidre du monde, agréable à boire, blanc et pétillant comme du champagne ; aussi il est rare ; ces arbres, très tendres de sève, ayant presque tous gelés en 1879, n’ont pas été remplacés ; les essais de greffage qui ont été faits, à quelques kilomètres de là, n’ont pas réussi ; cette sorte de pommier ne se plaît, dit-on, qu’en cette contrée.

Il faut dire ici que dans le pays on nomme cidre le jus de la poire ou de la pomme, on ne met pas d’eau dedans.

En entrant dans le bois, mon ami me dit : tu dois être venu ici dans ton enfance ; mais je parierais bien que tu trouveras ce bois plus beau qu’alors. À 15 ans, on ne voit