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Page:Une Vie bien remplie (A. Corsin,1913).djvu/39

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UNE VIE BIEN REMPLIE

Comme je n’avais qu’un pantalon de toile et qu’il gelait à 10 degrés, il me fit accepter un caleçon. Le septième jour, il me conduisit très loin sur la route de Fontainebleau ; on se quitta après s’être embrassés comme père et fils qui s’aiment. J’étais réconforté.


VIII


Avant d’arriver à Fontainebleau, je couchai dans un petit village ; quand j’entrai dans l’unique auberge, tout le personnel se trouvait présent : le patron, sa femme et la grand’mère ; on me dit d’abord qu’il n’y avait que deux lits et qu’ils étaient retenus. Comme il était nuit et qu’il fallait faire plusieurs kilomètres avant de trouver un autre village, je priai ces gens de me coucher, fût-ce dans le foin avec un drap. Après s’être concertés tous les trois, la grand’mère me dit : « Jeune homme, on vous couchera ; tout à l’heure, vous mangerez avec nous ; on servit une bonne soupe aux légumes et une pleine assiette creuse de haricots rouges bien assaisonnés de thym et de laurier. Je dinai comme un prince ; ces gens prirent plaisir à me faire causer ; je leur contai ce qui m’était arrivé, sans oublier de leur dire combien j’avais de chagrin d’être parti sans embrasser ma bonne grand’mère ; je leur dis aussi que j’étais riche de neuf francs ; après avoir causé, je suivis la grand’mère, qui me fit entrer dans le fournil, où on faisait le pain. La pièce était vaste : le lit dans un angle, le pétrin, une grande table et, dans un autre angle, un tas de fagots.

La vieille dame me dit qu’elle passerait la nuit à faire du pain, chauffer le four et cuire, et que j’allais coucher dans son lit. Ah ! mon ami, que je me trouvais bien ; je m’endormis comme un bien heureux, je ne m’éveillai qu’au moment où on défournait. Je regardais travailler les deux femmes par une fente des rideaux en grosse serge verte ; j’avais faim de tout ce que je voyais, des pains chauds et des tartes qui sentaient bon et aussi des poires