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Page:Une Vie bien remplie (A. Corsin,1913).djvu/46

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UNE VIE BIEN REMPLIE

Ce n’était pas la même chose au Lorroux-Bottrot, en Vendée, où j’allai ensuite ; là, c’était des fanatiques ; on voyait à la porte de l’église, avant la semaine sainte, une foule d’hommes, de femmes et de filles, attendre jusqu’à minuit leur tour au confessional ; dans les rues, les jeunes filles, vêtues comme des vieilles, baissaient la tête ; il fallait s’enfermer pour manger de la viande. Je ne restai pas un mois dans un aussi triste pays.

Je ne fis que passer à Angers ; cette ville me parut aussi bien triste ; son vieux château féodal est sans doute curieux, mais cette masse sombre, avec ses larges fossés, ce n’est pas gai ; en quelques heures, je ne vis pas moins de dix groupes de frères de la doctrine ehrétienne, que l’on nommait alors les frères ignorantins, mal chaussés, aux robes crasseuses ; cela me faisait l’effet d’une ville morte.


IX


Nantes est une belle ville ; je n’avais pas encore vu d’aussi belles maisons avec des balcons de pierre et fer forgé, supportés par des cariatides. Cela me rappela avoir lu quelque part que, dans le siècle dernier, les grands armateurs de Nantes avaient gagné beaucoup d’argent en faisant le commerce des esclaves. Je passai deux jours à visiter cette ville : Musée, jardin des plantes, le port, la poissonnerie ; c’était pour moi très intéressant ; je n’avais jamais vu jusque là de poissons de mer.

Je venais à Nantes avec l’intention de travailler, mais quand je vis les bateaux, je n’eus plus qu’un désir, de partir en Amérique ; j’avais entendu dire qu’il était facile de s’embarquer pour aider à la cuisine ; je m’adressai à plusieurs marins ; les uns se moquèrent de moi ; d’autres, plus sérieux, me dirent qu’il n’était pas facile à se faire embarquer gratuitement, que j’étais bien jeune, qu’il valait mieux attendre que j’aie vingt ans ; qu’alors je saurais