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Page:Une Vie bien remplie (A. Corsin,1913).djvu/48

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UNE VIE BIEN REMPLIE

tenant environ un kilo de balles d’avoine ; jusqu’au jour je restai dans cette caisse, malade, dévoré de vermine. Je me rendis compte en sortant de cette niche que j’avais la figure bouffie et rouge ; par centaines, les punaises me couraient partout sur la figure, les poignets et vêtements.

Il n’y avait pas d’observations à faire au capitaine ; il était terrible ; à l’entendre parler d’une façon si dure, je me figurais qu’il avait le droit de jeter à la mer ceux qui lui déplaisaient.

Quand, le lendemain, le soleil se leva, on avait à gauche les côtes de La Rochelle, à droite l’ile de Ré ; on mit à l’ancre, et le capitaine, avec une dizaine de passagers et pasagères, partirent pour l’île de Ré, faire une partie, et revinrent seulement à la nuit ; nous, les pauvres (sans le sou), nous restâmes tout le jour sous un soleil de plomb. À leur retour, des passagers restés à bord protestèrent auprès du capitaine de nous avoir laissés là toute une journée ; je crus qu’il allait tirer dessus, tant il était en colère.

Enfin, la nuit fut comme la précédente ; de grosses vagues faisaient danser le bateau, surtout dans les parages de la tour de Cordouan ; on arriva au port de Bordeaux vers 2 heures, après plus de quarante heures de maladie et de jeûne.

(L’année suivante, une voie d’eau s’étant produite dans le bateau, en vue de l’ile de Ré, on sauva les pasagers, et le Jacques-Paul fut mis à la retraite.)


X


Me voici à Bordeaux : c’est plus beau, plus animé, plus riant que Nantes ; aussi, je veux y travailler ; je descendis chez la mère des Compagnons ; après m’être un peu restauré, je courus voir la ville, les quinconces, le jardin des plantes, le grand théâtre Saint-André, la cathédrale, le fameux pont qui passait alors pour le plus beau du monde ;