Un soldat tout sanglant tient son chef embrassé ;
De sa main brune et forte,
Contre son cœur fidèle, il étreint un blessé,
Fièrement redressé…
Non ! c’est un mort qu’il porte.
Étroitement unis, le mort et le vivant
Ne forment qu’un seul être…
Retournez à l’avant !
C’est le mort qui conduit, que tous iront suivant,
Le mort qui reste maître.
Que veut de vous ce chef ? Où vous mènerait-il
D’un grand geste viril
Comme il faisait naguère ?
Droit sur l’obstacle et l’ennemi ! Droit au péril,
À son poste de guerre !
Soldats, remontez tous sans hésiter là-haut
Avec ce mort qui vaut
La troupe la plus belle.
En avant, devant tous ! C’est la place qu’il faut
À cette sentinelle.
Mais est-il mort ou plus vivant que nous, celui
Qui se dresse aujourd’hui
Paisible à votre tête,
Et qui n’a jamais craint que la honte et l’ennui
De la sombre défaite ?