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Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/112

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lité, autour de laquelle les événements, les vicissitudes inévitables et inséparables de toute vie, les explosions intérieures, les séismes politiques extérieurs, les orages venus du dehors, le font osciller plus d’une fois par siècle depuis des siècles. La France s’élève, chancelle, tombe, se relève, se restreint, reprend sa grandeur, se déchire, se concentre, montrant tour à tour la fierté, la résignation, l’insouciance, l’ardeur, et se distinguant entre les nations par un caractère curieusement personnel.

Cette nation nerveuse et pleine de contrastes trouve dans ses contrastes des ressources tout imprévues. Le secret de sa prodigieuse résistance gît peut-être dans les grandes et multiples différences qu’elle combine en soi. Chez les Français, la légèreté apparente du caractère s’accompagne d’une endurance et d’une élasticité singulières. La facilité générale et l’aménité des rapports se joignent chez eux à un sentiment critique redoutable et toujours éveillé. Peut-être la France est-elle le seul pays où le ridicule ait joué un rôle historique ; il a miné, détruit quelques régimes, et il y suffit d’un mot, d’un trait heureux, (et parfois trop heureux), pour ruiner dans l’esprit public, en quelques instants, des puissances et des situations considérables. On observe d’ailleurs chez les Français une certaine indiscipline naturelle qui le cède toujours à l’évidence de la nécessité d’une discipline. Il arrive qu’on trouve la nation brusquement unie quand on pouvait s’attendre à la trouver divisée.

On le voit, la nation française est particulièrement difficile à définir d’une façon simple ; et c’est là même un élément assez