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Page:Valéry - Œuvres de Paul Valery, Vol 10, 1938.djvu/139

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PRÉSENCE DE PARIS

Je rêvais d’être en mer… C’est PARIS qui m’éveille. Une riche rumeur accueille mon retour. Elle environne et borne mon silence de tout ce qui se passe au-delà de mes murs ; et seul, me fait peuplé.

Si je prête l’oreille, mon sens tendu divise et mon esprit déchiffre ce murmure mêlé d’une diversité d’incidents inconnus et de faits invisibles, qui me sont présents et absents.

Sur le fond fluvial et grondeur qu’alimente éternellement le roulement de la roue innombrable, une sorte de perspective de bruits dont le tableau sonore se compose et se décompose à chaque instant, donne l’idée d’une action immense qu’entretient une multitude d’événements indépendants, mais qui ne manquent jamais de se produire, l’un ou l’autre.

Je discerne à toute distance, et je puis nommer ceci ou cela : l’aboi d’un chien ; la trompe qui corne ; le fer froissé qui grince ; le cri aigu du tourment d’un câble sur sa poulie ; la pierre qui se plaint de la râpe ; l’affreux gémissement de l’excavateur quand