plus en plus “ avancé ”, qui se marque en politique, en art, — et… dans les mœurs.
— Et vous sentez en vous cette intoxication ?
— Je sens trop qu’il n’est rien qui ne tende à proliférer et à se différencier dans mon esprit. Que je le veuille ou non, à chaque instant, une idée, une remarque, une analogie, me devient une présence exigeante, — une sorte d’épine mentale…
— Votre cervelle, docteur, est un bouillon de culture pour points d’interrogation ?…
— Et savez-vous comment j’ai pu me définir ce mal bizarre ?
— Non.
— Je l’isole par cette observation très simple : que la fatigue m’excite. Plus je suis fatigué, plus je veux en faire. Ceci est caractéristique. Ici commence l’anormal. C’est clair.
— Mais je connais fort bien ce symptôme. Un ami que j’avais l’avait sans doute observé sur moi. Parfois, comme nous causions, — et que je passais au monologue, il me prenait le bras, et me regardait ; et il me disait : Mon bon, tu parles trop bien, ce soir. Tu dois être à bout de forces… Et il ne se trompait jamais.
— Il avait un sacré coup d’œil…
— Oui… Et je me sentais aussitôt très fatigué. Je n’en avais pas conscience jusque là.
— Il n’est pas sûr du tout qu’un homme qui devrait se sentir très fatigué, se sente toujours très fatigué.
— Et alors, vous ? Vous ne pouvez rien pour vous ? Allez voir un confrère, un neurologiste, un… psychiatre !
— Vous plaisantez !…
— Mon Dieu, pour désarmer l’ennemi intime, émousser cette épine mentale… Après tout, c’est une espèce d’obsession…
— Mais pas du tout, pas du tout !… Je ne suis pas un obsédé… Je ne fais point de l’idée fixe !…
— « Idée fixe » !… Mais je n’ai point parlé d’idées fixes… J’ai horreur de ce terme. Vous ne trouvez pas que ce nom d’idée fixe est mal fait ?