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Page:Valéry - Regards sur le monde actuel, 1931.djvu/165

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dissipant au hasard les énergies naturelles dormantes ; évoquant plus de forces qu’ils ne savent en conjurer ; édifiant des formes de pensée infiniment plus complexes et plus générales que toute pensée, se sont plu, d’autre part, à tirer de leur stupeur ou de leur torpeur des races primitives ou des peuples accablés de leur âge.

Dans cet état des choses, une guerre de fureur et d’étendue inouïes ayant éclaté, un état panique universel a été créé, et le genre humain remué dans sa profondeur. Les hommes de toute couleur, de toutes coutumes, de toute culture, ont été appelés à cette sorte de Jugement avant-dernier. Toutes les idées et les opinions, les préjugés et les évaluations sur quoi se fondait la stabilité politique antérieure, se trouvèrent soumises à de formidables épreuves. Car la guerre est le choc de l’événement contre l’attente ; le physique dans toute sa puissance y tient le psychique en état : une guerre longue et générale