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Page:Valéry - Regards sur le monde actuel, 1931.djvu/58

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représenter nettement ce qu’on nomme une nation. Les traits les plus simples et les plus forts échappent aux gens du pays qui sont insensibles à ce qu’ils ont toujours vu. L’étranger qui les perçoit, les perçoit trop puissamment, et ne ressent pas cette quantité de correspondances intimes et de réciprocités invisibles par quoi s’accomplit le mystère de l’union profonde de millions d’hommes.

Il y a donc deux grandes manières de se tromper au sujet d’une nation donnée.

D’ailleurs l’idée même de nation en général ne se laisse pas capturer aisément. L’esprit s’égare entre les aspects très divers de cette idée ; il hésite entre des modes très différents de définition. À peine a-t-il cru trouver une formule qui le contente, elle-même aussitôt lui suggère quelque cas particulier qu’elle a oublié d’enfermer.

Cette idée nous est aussi familière dans l’usage et présente dans le sentiment