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Page:Valéry - Regards sur le monde actuel, 1931.djvu/61

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a des arguments dans le passé ou dans le possible ; aucune n’aime à considérer ses malheurs comme ses enfants légitimes.

Suivant qu’elles se comparent aux autres sous les rapports ou de l’étendue ou du nombre, ou du progrès matériel, ou des mœurs, ou des libertés, ou de l’ordre public, ou bien de la culture et des œuvres de l’esprit — ou bien même des souvenirs et des espérances, — les nations se trouvent nécessairement des motifs de se préférer. Dans la partie perpétuelle qu’elles jouent, chacune d’elles tient ses cartes. Mais il en est de ces cartes qui sont réelles et d’autres imaginaires. Il est des nations qui n’ont en mains que des atouts du moyen âge, ou de l’antiquité, des valeurs mortes et vénérables ; d’autres comptent leurs beaux-arts, leurs sites, leurs musiques locales, leurs grâces ou leur noble histoire, qu’elles jettent sur le tapis au milieu des vrais trèfles et des vrais piques.