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Page:Valéry - Regards sur le monde actuel, 1931.djvu/88

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à peine un peu plus loin que ce qui est. Imagine-t-on ce que serait un monde où le pouvoir de faire vivre plus vite ou plus lentement les hommes, de leur communiquer des tendances, de les faire frémir ou sourire, d’abattre ou de surexciter leurs courages, d’arrêter au besoin les cœurs de tout un peuple, serait connu, défini, exercé !… Que deviendraient alors les prétentions du Moi ? Les hommes douteraient à chaque instant s’ils seraient sources d’eux-mêmes ou bien des marionnettes jusque dans le profond du sentiment de leur existence.

Ne peuvent-ils déjà éprouver quelquefois ce malaise ? Notre vie en tant qu’elle dépend de ce qui vient à l’esprit, qui semble venir de l’esprit et s’imposer à elle après s’être imposée à lui, n’est-elle pas commandée par une quantité énorme et désordonnée de conventions dont la plupart sont implicites ? Nous serions bien en peine de les exprimer et de les expli-