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Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/148

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Il y en a un qui m’a dit déjà :

« Si nous survivons, tu te battras avec moi. »


Si nous survivons ? Mais nous en prenons le chemin.


Il faut se rendre pourtant à l’avis de tous ! — Je serais seul, tout seul, et désavoué par les miens. Les étudiants qui me connaissent me demanderont où sont les autres, où est ma bande ?

J’ai pensé à aller quand même me planter, comme je l’ai dit, devant la porte, avec une barre de fer pour soulever les pierres. Où la prendrai-je, cette barre ? il faut que je l’arrache à la boutique et aux mains de quelqu’un ; on se mettra vingt pour m’assommer et on me la cassera sur le dos. — Puis, avant tout, le tort d’être isolé ! Je n’aurai pas qualité d’envoyé de barricade, ni de délégué de résistance…

« Il va faire remarquer la maison, et l’on viendra nous assassiner ! voilà ce qui arrivera », a dit Lisette, pendant que je criais si fort.


Il faut se rendre !…


Se rendre à la merci de ce frère d’adjoint !

Je lance encore un suprême appel.

« Vous croyez qu’il faut de la discipline… la discipline, toujours la discipline… mais c’est l’indiscipline qui est l’âme des combats du peuple !… Ah ! bourgeois !… »

On me met la main sur la bouche ; un peu plus, ils m’étrangleraient. Ils ont leur énergie de leur côté,