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Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/167

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« Eh bien, que deviens-tu ? Vas-tu un de ces jours faire parler de toi ?

— Dis donc, est-ce vrai que tu t’en es mêlé et que tu as failli être tué en décembre ? »

Il est interrompu par le rire et le coup de coude d’un autre qui dit :

« Allons donc, c’est pas Vingtras qui irait où l’on joue sa peau ! »


Que fais-tu ? Va-t-on un de ces jours entendre parler de toi ?

Que répondre ?

Un matin, je disparaîtrai pour n’avoir à rougir devant personne de n’être rien, de ne rien gagner ; sans aucun espoir d’être quelqu’un ni de jamais gagner quelque chose.

Je suis le seul peut-être, à Nantes, qui vive cette vie de malheureux.


Je ne sors plus le jour, je me cache.

Je ne puis pas expliquer à tout le monde mes relations tendues avec mon père ; je ne le veux ni pour lui ni pour moi. On me donne les torts — Qu’on me les donne !

On m’accuse de le réduire au désespoir — Je me défendrais, que j’aurais encore plus l’air d’un fils indigne.

Je vis comme les bêtes de nuit, je fuis les rues éclairées, je me croise avec les mendiants et les maniaques. C’est épouvantable !