Aller au contenu

Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/172

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est seule à table. Elle est fort pâle et m’annonce que mon père a une explication à me demander avant de consentir à s’asseoir près de moi.

« Laquelle donc ?

— Il paraît que tu donnes tes répétitions au rabais, maintenant… »

Mon père entre sur ces entrefaites ; il essaie d’être calme, mais il ne peut y parvenir. Il est forcé de se lever et sort pâle comme un linge.

J’interroge ma mère.

« Mais, malheureux, si tu fais payer tes répétitions vingt francs, comment veux-tu que ton père les fasse payer quarante !… Ton père en est malade…

— Dis-lui qu’il peut ôter son bonnet de nuit ; je ne donnerai pas de répétition à vingt francs, je ne ferai pas baisser les prix ! »


Le soir de ce jour-là, dans la maison où je devais aller, l’homme disait à sa femme :

« Comprends-tu ce fils Vingtras ?… Nous convenons hier qu’il viendra donner des leçons à Virgile (c’était le nom du petit mulâtre), il m’écrit ce matin qu’il ne faut pas compter sur lui.

— Quel braque !

— Dis plutôt quel feignant ! J’ai vu ça tout de suite, que c’était un feignant !… Ah ! son pauvre père n’a pas de chance ! »


Si j’allais trouver des fils d’armateurs maintenant ?