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Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/231

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adroit qui a perdu la clientèle, qui a tout de suite fait des dettes, et va comme je te pousse !… Il s’est enferré au point d’acheter des caleçons à crédit pour les revendre, et de nourrir ses élèves avec un lot de saucisses allemandes qui leur ont mis le feu dans le corps. Ma femme s’en est aperçue, allez !… Il n’a pas encore payé les caleçons, pas davantage les saucisses ! Il n’a payé, il ne payera personne, personne ! Il doit à Dieu et au diable, au marchand de caleçons, au marchand de saucisses, au marchand de lait et au marchand de fourrage…

— Au marchand de fourrage ?

— C’est pour le cheval — il y a un cheval et une voiture, vous ne saviez pas cela ? On va chercher les élèves le matin dans la voiture, on les ramène le soir. Je suis concierge et cocher. C’est vous alors qui allez être professeur et bonne d’enfants ? »

En effet, je suis bonne d’enfants, le matin et le soir. Je suis professeur dans le courant de la journée.

À midi, je déjeune au pupitre, cela veut dire déjeuner dans l’étude.

Ma stupéfaction a été profonde, immense, le premier jour. On m’a apporté du raisiné dans une soucoupe, avec une tranche de pain au bord.


La confiture en premier ?…

En premier et en dernier ! Du raisiné, rien de plus…

Le second jour, des pommes de terre frites.

Le troisième jour, des noix !

Le quatrième jour, un œuf !…