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Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/248

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M. Benoizet encaisse le papier et me tient ce langage :

« Je dois vous avertir que je serai obligé de me priver de vos services dans quinze jours. Cherchez une place d’ici-là, une place plus en rapport avec vos goûts, votre âge. Il nous faut des gens que l’odeur des enfants ne dégoûte pas, et qui n’ont pas besoin d’ouvrir les portes pour respirer.

— L’odeur ne me dégoûte pas. »

J’ai même l’air de dire : « au contraire ! » Mais M. Benoizet a pris sa résolution.

« Vous me donnerez un certificat, au moins ? fais-je tout ému.

— Je vous donnerai un certificat établissant que vous avez de l’exactitude, sans dire que vous êtes incapable — je pourrais le dire ; vous l’êtes — l’incapacité même ! Et de plus vous faites peur aux enfants. »

Il me parle comme à un homme qui lui a menti, qui l’a trompé sur la qualité de ses Ba, Be, Bi, Bo, Bu. Va pour cela ; passe encore ! Mais quant à faire peur aux enfants !…

« Oui, vous leur faites peur. Vous avez l’air de ne pas vouloir qu’ils vous embêtent… Jamais une espièglerie ! Vous ne vous êtes pas seulement mis une fois à quatre pattes ! Enfin, c’est bien ! vous êtes payé. Dans quinze jours vous nous quitterez — ni vu, ni connu. — J’ai bien l’honneur de vous saluer !… »

Il me plante là et va sortir : mais comme il n’est pas mauvais homme au fond, il me jette en passant cette excuse à sa brusquerie :