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Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/284

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où je forcerais la chance ; si je mourais, je mettrais mon éloge dans mon testament en racontant ma vie, et en fouettant de mes dernières guenilles les survivants qui devaient leurs habits — moi je ne devais rien, pas même une paire de savates.

Je vaux moins. J’ai dû jouer la comédie pour avoir mes vêtements, ces bottines et ce chapeau — une comédie dont j’ai honte !


Mes souliers percés étaient miens ; je pouvais les jeter à la tête du premier passant, en disant :

— Tu es peut-être aussi honnête, mais tu n’es pas plus honnête que moi.

À un ruiné, je pouvais crier :

« Je te fais cadeau de l’empeigne. »


Je crois que je gagnerai de quoi payer, cependant ! Le Vingtras est en hausse.

« Il a mis de l’eau dans son vin, dit l’un ; il a jeté sa gourme, dit l’autre ; j’avais toujours dit qu’il avait du bon, ce garçon-là ! fait un troisième. »

Je n’ai pas mis d’eau dans mon vin, j’ai mis du vin dans mon eau ; je n’ai pas jeté ma gourme, j’ai jeté mes frusques.

Tas de sots !


Partout, je fais prime.

Je suis devenu un grand homme chez Joly.