Aller au contenu

Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/297

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

téméraire à travers l’organisation du complot. Il a eu peur de mes brutalités ou de mon impatience.

Je n’y regarde pas et n’en demande pas plus long. Je prends de bon cœur le rôle qu’on me donne — sans croire, à vrai dire, qu’il y aura représentation publique de la tragédie. Je sais ce que c’est que de songer à tuer un homme. J’en ai eu la pensée jadis, et je me rappelle les émotions qui me serraient le cœur et me glaçaient la peau du crâne, quand je me représentais la minute où je tirerais mon arme, … où je viserais… où je ferais feu…

Puis j’ai lu des livres, j’ai réfléchi, et je ne crois plus aussi fort que jadis à l’efficacité du régicide.

C’est le mal social qu’il faudrait tuer.


Sans perdre de temps à creuser la question, j’ai accepté ma part de danger dans l’entreprise, mais je n’ai pas la foi. C’est par amour de l’aventure, envie de ne pas paraître un hésitant ou un déserteur auprès des camarades de 51, que je me suis embrigadé dans le complot.

Je n’ai pu cacher à Rock mon incrédulité. Il me demande si, au cas où cette incrédulité recevrait un démenti sanglant, je serais prêt à appeler aux armes dans le quartier.

Certes. — S’il y a du tumulte dans l’air, s’il faut une voix pour donner le signal, s’il s’agit de monter sur les marches de cet Odéon où j’ai rôdé vaincu et honteux, pendant des années, et de crier debout sur ces pierres : « Vive la République ! » en déployant un dra-