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Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/370

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mépris de celui que tu voulais pour mari ! Car lui, il a été pauvre ! Comme tu le mépriserais si tu savais qu’il a eu faim !

Elle sent bien qu’elle a fait une blessure.

Me reprenant le bras, et plongeant ses yeux tendres dans la sévérité des miens :

« Vous ne m’avez pas comprise », murmure-t-elle, anxieuse d’effacer le pli qui est sur mon front.

Pardon, bourgeoise ! Le mot qui est sorti de vos lèvres est bien un cri de votre cœur et vos efforts pour réparer le mal n’ont fait qu’empoisonner la plaie.

Et j’en saigne et j’en pleure ! Car j’adorais cette femme qui était bien mise et sentait si bon !

Mais n’ayez peur, camarades de combat et de misère, je ne vous lâcherai pas !


« Vous m’en voulez, on dirait que vous me haïssez depuis l’autre jour. Soyez franc, voyons, a-t-elle dit en se plantant devant moi.

— Eh bien oui, je vous en veux, — parce que vous aviez jeté un rayon de soleil dans l’ombre de ma jeunesse, et que j’ai soif de caresses et de bonheur. Mais j’ai encore plus soif de justice… un mot qui vous fait rire… n’est-ce pas ?

C’est comme cela pourtant… on ne vous a raconté que le côté drôle de ma vie de bohème… tandis que j’en ai gardé des impressions poignantes, la haine profonde des idées et des hommes qui écrasent les obscurs et les désarmés. De grands mots !… Que