Aller au contenu

Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/427

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la poésie de l’aventure séduit, prête une couverture blanche qui recouvre Legrand tout entier.

Nous remercions et nous partons.

Je prends place près des autres. Legrand y tient, m’a-t-on dit, et je juge de mon devoir de l’accompagner et de rester en face de lui. J’aurais trouvé simple et naturel qu’il en fit autant, si c’était lui qui m’eût touché.

Ma sensibilité ne joue pas la comédie. Je croirais cela indigne de la sérénité du blessé. Je reste muet et je songe ! Je songe encore une fois au long accouplement forcé dans la solitude, l’obscurité et la peine.


Legrand souffre le martyre en ce moment.

Eh bien ! je parierais que cette souffrance, qui précède probablement la mort, l’effraie moins que ne le tourmentait la vie que nous vivions, et d’où nous n’avions pas le courage ou les moyens de nous évader autrefois…

Si Legrand survit, ce coup de pistolet aura affranchi notre avenir en trouant la muraille des souvenirs cruels. Il viendra peut-être un peu d’air frais par ce trou-là !


Il a demandé à être transporté chez un ami.

On a fait arrêter l’omnibus devant une petite maison de la rue de l’Ouest, blanche et proprette, qui a par-derrière un jardinet, et qui est habitée par des gens tranquilles.