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Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/434

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l’étaient point, et se prélassaient dans leur misère, attendant la mort avec l’espérance d’une vie future. Si l’on s’était battu au Panthéon, ils auraient été du côté de ceux qui les affamaient, contre ceux qui voulaient tuer la famine !

Pas une tête de révolté dans le tas ! Pas un front de penseur, pas un geste contre la routine, pas un coup de gueule contre la tradition !


Je vais en bas quelquefois, dans une salle qui a des odeurs de sacristie.

La fraîcheur, le silence !… C’est là que sont les livres illustrés. J’y lis l’Artiste, et l’histoire de l’impasse du Doyenné, où Gautier, Houssaye et Gérard de Nerval avaient leur cénacle.

J’ai d’abord parcouru ces récits avec une curiosité pleine d’envie, puis avec le frisson du doute.

Ils crient que le printemps de leur jeunesse fut tout ensoleillé. — Mais par quel soleil ? J’ai appris d’un garçon qui a connu le secrétaire de l’un d’eux, j’ai appris une nouvelle qui m’a fait trembler.

Ce Gautier, ce Gérard de Nerval, ils en sont à la chasse au pain ! Gautier le récolte dans les salons de Mathilde, Gérard court après des croûtes dans les balayures. On me dit qu’il a parlé de se tuer un soir qu’il n’avait pas de logis.

Ils mentent donc, quand ils chantent les joies de la vie de hasard, et des nuits à la belle étoile ! Littérateurs, professeurs, poètes comiques, poètes tragiques, tous mentent !