Aller au contenu

Page:Vallès - Le Bachelier.djvu/442

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Faites sortir votre mère, nous apportons le cercueil. »

J’ai confié la pauvre femme à une vieille voisine qui a trouvé un prétexte pour l’emmener.

« Je vais te rejoindre », ai-je dit — et je suis resté à attendre les vestes noires qui se sont mises nonchalamment à la besogne.

C’est donc fini ! Il va être cloué là-dedans ! Cette planche est la porte de l’éternelle prison.


Adieu, mon père ! Et avant de nous quitter, je vous demande encore une fois pardon !

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

L’horloge sonne dix heures ! Comme le temps a passé vite dans ce tête-à-tête solennel !

Je n’ai pas vu partir la nuit et venir le soleil. Je ne regardais que dans mon cœur. Je n’entendais ni ne voyais l’heure présente, perdu que j’étais dans la contemplation du passé et l’idée de l’avenir. Il me semblait que le mort aussi réfléchissait, et me tenait compagnie pour cette austère rêverie.

Le dernier coup vient d'être donné.

Ah ! il m’est venu comme de la rage et non de la douleur dans l’âme ! Il me semble qu’on emporte un assassiné !

Moi, j’aurais peur d’être enterré ainsi ! Je veux avoir lutté, avoir mérité mes blessures, avoir défié le péril, et il faudra que les croque-morts se lavent les mains après l’opération, parce que je saignerai de toutes parts… Si la vie des résignés ne dure pas